Percevoir

Revue LE LOUIS BRAILLE nov-déc. 2017

Vie des associations Rencontre avec l’Association Percevoir par Pascale Isel Nous partons aujourd’hui à la rencontre de cette association, dont les objectifs sont multiples, mais tous basés sur l’importance de faire fonctionner et de valoriser tous nos sens, à notre époque où la vue est tellement omniprésente ; (en préparant cet article, je viens de lire que « Chez l’homme moderne, le rôle des sens est de transmettre les informations de la manière suivante : la vue : 90%, l’ouïe : 5%, le toucher : 2%, le goût 2%, l’odorat : 1% »)… L’association a été créée en 2004, par Valérie Pasquet, et les premières réalisations étaient basées autour de l’eau, (« les fontaines par le toucher »), activités qui se sont étoffées avec des promenades-conférences, dans plusieurs villes, à pied, à vélo, en tandem et en bateau. Mais ce n’est pas tout, découvrons toutes les activités de Percevoir. Conférences et promenades autour du thème de l’eau Ces sorties sont organisées pour rappeler l’importance de l’eau dans la vie de nos villes ; fontaines, aqueducs, tout ce système d’alimentation auquel nous ne pensons pas lorsque nous ouvrons le robinet… Ces sorties sont animées par des conférenciers dont plusieurs sont déficients visuels, et se font, selon les cas, à pied, en tandem ou à vélo, et même en bateau ; à Paris, Bordeaux, Perpignan… Ce sont des parcours historiques, tactiles et gustatifs qui donnent l’occasion de découvrir les quartiers sous un autre jour. Des lectures en braille dans le noir La première, ce fut en 2005 au Salon du Livre de Paris avec des Contes tchétchènes. L’idée (un triple objectif) : « mettre le braille à l’honneur en réalisant des lectures publiques en braille : les lecteurs sont aveugles et lisent en braille pour leur auditoire », « favoriser les échanges : les lectures sont toujours suivies d’un échange entre public et lecteurs », « proposer une expérience sensorielle en plongeant les auditeurs dans le noir pour privilégier l’écoute des textes uniquement grâce à la voix des lecteurs ». Depuis 2005, de nombreuses lectures ont été organisées dans plusieurs villes et pour diverses occasions ; citons le festival de l’Oh à Choisy-Le-Roi, le Pavillon de l’Eau à Paris, le Salon du Livre de Colmar, des lectures au musée du Verre ou au musée Mallarmé,… Deux lectures du Petit Prince à Issy-les-Moulineaux en partenariat avec la Fondation Antoine de Saint-Exupéry pour la Jeunesse et en présence de son président, neveu et filleul d’A. de Saint-Exupéry ; et, depuis 2008, une collaboration régulière avec le Salon de lecture Jacques Kerchache du musée du Quai Branly à raison de 2 lectures par an, notamment dans le cadre du Printemps des Poètes. Dernière lecture en date : le 17 novembre 2017 autour de contes et légendes du Cameroun. La place du dessin en relief À l’occasion des lectures du Petit Prince, un projet de mise en relief de plusieurs des dessins mythiques de l’ouvrage a été mené, tant à destination des aveugles qui ont pu les découvrir ou les redécouvrir, mais aussi en direction des personnes voyantes qui avaient la possibilité de toucher les dessins sans les voir. Plusieurs dizaines de dessins ont également été envoyés à des écoles, des enseignants, des particuliers, pour recueillir leurs réflexions. Cette expérience a donné lieu à des échanges diversifiés et enrichissants, les opinions et ressentis sur le sujet étant fort divers, parfois même contradictoires ; en effet, des aveugles de naissance peuvent considérer que ces dessins en relief n’apportent rien à leur émotion à la lecture du Petit Prince, alors qu’une personne qui les a vus étant jeune, sera émue, une fois devenue aveugle, de les retrouver sous ses doigts. Les rendez-vous intitulés « L’Aventure d’une Œuvre dans le noir » En 2009, en collaboration avec le Salon de lecture Jacques Kerchache du musée du Quai Branly, une nouvelle activité voit le jour : la découverte dans le noir, par l’écoute et le toucher, d’une pièce des collections du musée. L’idée : faire découvrir aux participants une pièce tirée des collections du musée à partir d’un fac-similé, reproduction à l’identique de l’original, véritable œuvre d’art en soi ... et que l’on peut toucher ! Ce rendez-vous, créé par Percevoir, a évolué dans son format depuis 2009 mais dès son origine, il est animé par un (une) conférencier (conférencière) aveugle qui guide l’exploration tactile tout en replaçant l’objet dans son contexte d’origine et muséal. Par l’écoute et le toucher, chacun se construit au fil de la séance une image mentale du chef-d’œuvre présenté. Une autre approche pour comprendre et apprécier une œuvre d’art ! Une prochaine date : dimanche 3 décembre 2017 avec deux séances, l’une à 15h et l’autre à 16h, autour d’une œuvre des collections Afrique. Lieu : Salon de lecture Jacques Kerchache situé au niveau 0 du musée. L’entrée est gratuite. Ces séances commencent aujourd’hui à se réaliser hors les murs avec un récent triple partenariat entre le musée du quai Branly, Percevoir et l’université Paris-Descartes. L’association espère initier d’autres partenariats similaires. Par ailleurs, Percevoir a pu faire réaliser un film à vocation pédagogique sur ce rendez-vous permettant à l’association de présenter cette approche plurisensorielle. Des ateliers de dégustation dans le noir Ces activités ont été organisées principalement pour des entreprises dans le cadre de la sensibilisation du personnel au handicap ; la formule : autour d’une table, sous un parasol spécialement conçu pour être plongé dans le noir, un « maître d’hôtel » aveugle va faire déguster aux convives différents mets, et on en parle ; ces ateliers ont souvent été le lieu d’échanges inattendus… Visiblement, il n’est pas toujours facile de distinguer une crème pâtissière au citron d’une pâte chocolatée lorsqu’on ne voit pas ce qu’on a mis sous la langue… Des ateliers de sensibilisation au handicap dans le monde du travail Toujours dans le cadre de la sensibilisation en entreprise, des ateliers sont organisés pour montrer au personnel comment on peut travailler avec un ordinateur et d’autres matériels adaptés ; au cours de ces ateliers, on se rend très vite compte du déficit d’information dans ce domaine : bien des personnes sont totalement surprises de découvrir qu’un aveugle peut utiliser un traitement de texte, lire ses courriels ou réserver un billet de train sur Internet… très modestement, l’objectif de ces rencontres n’est pas de « déclencher » l’embauche de nouveaux collaborateurs, mais au moins de faire changer, un tant soit peu, le regard porté à un nouveau collègue, ou à un collègue en train de perdre la vue. Les ateliers « Lire avec les doigts » dans les écoles Cette activité, la dernière-née de l’association, est peut-être la plus innovante, et mérite d’être citée en exemple car elle s’adresse aux jeunes enfants, adultes de demain, et s’inscrit sur la durée. Depuis 2013, dans le cadre du dispositif de l’aménagement du temps périscolaire, Percevoir réalise dans plusieurs écoles primaires de Paris des ateliers hebdomadaires d’éveil tactile au braille intitulés « Lire avec les doigts, brailler fort ! » : sur un trimestre entier, un même groupe d’élèves est sensibilisé à la perception par le toucher et initié de manière ludique à la lecture tactile et à l’écriture du braille ; pour eux, c’est souvent comme un jeu, un « code secret ». Ces interventions sont dirigées par un duo composé d’une animatrice aveugle et d’une personne voyante qui aide à l’organisation. À travers la relation qui s’établit entre les enfants et l’animatrice, c’est aussi l’occasion de sensibiliser les enfants à ce que peut être la vie lorsqu’on ne voit pas et à percevoir autrement le handicap visuel. Nous pouvons parier que les élèves qui suivent ces ateliers en garderont quelque chose pour longtemps, et que leur rapport à la cécité en sera forcément changé lorsqu’ils rencontreront un déficient visuel, que ce soit un camarade de classe, un collègue, un professeur, un membre de leur club sportif, une personne qu’ils aideront à traverser un carrefour, ou l’âme sœur… L’équipe de Percevoir Autour de Valérie, l’équipe, regroupant des personnes voyantes aussi bien que des déficients visuels, est composée de bénévoles mais aussi d’intervenants qui sont rémunérés pour leurs prestations. « C’est un point qui m’est vite apparu comme essentiel ; les conférenciers, les lecteurs, les hôtesses qui placent le public, les animatrices des ateliers braille, doivent être rémunérés pour ce travail. », nous confie Valérie ; « C’est une reconnaissance de leur implication, mais aussi un moyen de pérenniser le système, un engagement réciproque, une marque de sérieux. » Pour contacter Percevoir Si vous souhaitez en savoir plus, et peut-être participer à cette aventure en rejoignant l’équipe, n’hésitez pas à contacter Valérie Pasquet : Par téléphone : 09 50 61 77 05 ou 06 64 22 53 86 Par courriel : contact@percevoir.org Site Web : www.percevoir.org

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